08 décembre 2013

Observatoire de l'Europe

Paris 8 décembre J'ai présenté jeudi dernier 5 décembre devant le cercle Europe d'ARRI mon exposé sur l'actualité européenne. En voici un résumé. Une Europe loin des citoyens Six mois nous séparent des élections européennes fixées au 25 mai pour la plupart des pays. La persistance de la crise allant de pair avec une communication qui privilégie les mauvaises nouvelles sans offrir de perspectives laisse prévoir au mieux une abstention massive au pire un succès des partis extrémistes et europhobes, sans que ceux-ci, très divisés, puissent espérer bloquer le fonctionnement du Parlement. La situation intérieure Notre dernière rencontre se situait à la veille des élections allemandes du 22 septembre. Celles- ci ont été un triomphe pour Angela Merkel, sans que la CDU-CSU obtienne la majorité absolue qu’un mode de scrutin majoritaire lui aurait largement assuré. Les longues négociations aboutissant à un accord détaillé droite-gauche, causent chez nous étonnement et parfois envie. L’institution d’un salaire minimum de 8,5 euros au 1er janvier 2015 atténuera les distorsions de concurrence dont se plaignent notamment les éleveurs bretons et les camionneurs. C’est le signal qui importe. L’écart des coûts salariaux entre Allemagne et France devrait continuer à se réduire. Se pose néanmoins le problème des travailleurs détachés qui donne lieu à des abus. Aucune ouverture n’est à prévoir sur les eurobonds, ni sur un budget propre à la zone euro. En revanche, l’Allemagne, longtemps réticente, semble confirmer son accord pour une union bancaire (supervision par un organe proche de la BCE). Le cadre financier pluriannuel a été enfin voté. Il se traduit par une baisse des crédits pour 2014. Les crédits destinés à la jeunesse seront néanmoins augmentés (Erasmus élargi aux apprentis). La Commission a donné son avis sur les projets de budget des Etats membres dans le cadre de la procédure nouvelle du semestre européen. La France s’est vu reprocher l’insuffisance de réformes de nature à réduire les dépenses et à renforcer la compétitivité. Fait nouveau, l’Allemagne est soumise à enquête sur ses excédents extérieurs qu’elle utilise plus pour des investissements à l’étranger que pour moderniser des infrastructures vieillissantes. Les réactions ont été modérées en Allemagne. La situation demeure difficile dans les pays du Sud et en Irlande bien qu’on décèle quelques indices favorables, notamment en Espagne et en Irlande. D’importantes décisions dans le domaine de l’agriculture et de la pêche offrent un exemple éclatant de la mauvaise communication sur l’Europe. Le transfert d’une partie des aides des céréaliers aux éleveurs a été présenté de manière négative, tout comme les restrictions à une pêche industrielle destructrice des ressources et des fonds marins. La préparation des élections européennes est en cours. Les places éligibles sur les listes établies par les partis sont trop souvent attribuées en fonction de critères sans rapport avec le travail accompli. L’absence de continuité des mandats affaiblit l’influence française. Il est surprenant que personne ne demande l’organisation de primaires ou l’institution du vote préférentiel pratiqué en Belgique et en Italie. La procédure de désignation du président de la Commission établie par le traité de Lisbonne prévoit une élection par le Parlement européen sur proposition du Conseil européen. Diverses interprétations sont possibles. Il est souhaitable que les électeurs aient le sentiment d’un enjeu sans pour autant politiser à l’excès la Commission. La crédibilité de l’institution qui fait l’originalité et qui a naguère fait la force de l’UE est gravement affaiblie par le maintien de la règle suivant laquelle chaque Etat désigne un commissaire. La règle du tour de rôle prévue par les traités ne vaut guère mieux. Il serait raisonnable de laisser le président constituer son équipe et la présenter au Parlement et au Conseil européen. Relations internationales L’ouverture des négociations en vue d’un accord de libre-échange avec les USA a coïncidé avec la révélation de l’ampleur insoupçonnée de l’espionnage par la NSA. Les différences de sensibilité entre Américains et Européens en matière de normes sanitaires et environnementales laissent planer un doute sur l’aboutissement de ces négociations qui porteront plus sur les normes que sur les droits de douane généralement faibles. Les menaces de frappes sur la Syrie après l’usage massif d’armes chimiques par Assad, leur abandon par Obama après une habile proposition russe de destruction des dites armes a démontré une fois de plus les faiblesses de la PESC (politique étrangère et de sécurité commune), tout en mettant la France dans l’embarras. Le retournement imprévu de Ianoukovitch, renonçant, sous la pression de la Russie à un accord d’association à l’UE, négocié de longue date, est un autre échec de la diplomatie européenne, dans un domaine, la politique de voisinage, qui avait été jusqu’à présent marqué par des succès. Les seuls accords signés à Vilnius l’ont été avec la Géorgie et la Moldavie… Consolons-nous en contemplant ces foules clamant leur appartenance à l’Europe et brandissant l’étendard de l’Union. Observons surtout les conséquences désastreuses de la division des Européens face à la Russie, notamment en matière d’approvisionnements énergétiques. Poutine n’aurait sans doute pas pris le risque d’humilier l’Europe si celle-ci lui parlait d’une seule voix. Cela dit, on ne peut ignorer les liens historiques qui unissent la Russie et l’Ukraine. Que Poutine cherche à maintenir des liens étroits avec l’Ukraine et à reconstituer un ensemble eurasiatique regroupant les principaux membres de la défunte URSS, il n’y aurait là rien de scandaleux s’il était fait recours à des procédures démocratiques plutôt qu’à la menace et au chantage. Pourquoi l’Ukraine ne pourrait-elle entretenir des relations étroites et amicales à la fois avec la Russie et avec l’UE et constituer un pont entre deux mondes plutôt qu’une pomme de discorde ? L’accord conclu avec l’Iran en vue de limiter les possibilités de ce pays de se doter d’armes nucléaires, assorti d’un renforcement des contrôles par l’AIEA, donne une image plus favorable de la diplomatie européenne. Mme Ashton qui reçoit généralement peu de compliments, notamment en France, a bénéficié d’éloges appuyés de Laurent Fabius : « Elle a fait un excellent travail » a dit notre ministre des AE à la radio et à la tv. Le rôle joué par Mme Ashton est d’autant plus remarquable qu’à ma connaissance l’UE n’est pas partie, en tant que telle, à l’accord avec l’Iran.

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