02 septembre 2009

Un texte étonnant de Léon Blum

La Cadière, 2 septembre 09
La Revue Commentaire publie, dans son numéro d’été, entre deux excellents articles sur l’Europe de Gilles Andréani et de Jean-Lous Quermonne, un article paru dans le Populaire du 21 mai 1930 à propos du projet Briand d’un « lien fédéral » respectant entièrement la souveraineté des Etats membres. Sous le titre « On ne fédère pas les pays européens sans s’attaquer résolument à la notion de souveraineté » Blum éclaire admirablement cette contradiction qui aura si longtemps paralysé la politique européenne de la France. Qu’on en juge par quelques extraits de ce texte surprenant par la date de sa rédaction. « Il faut sans doute un commencement à tout, surtout à de si grandes tâches. Mais encore est-il nécessaire que les premiers pas… soient faits dans la bonne voie. Or, je redoute que M. Briand s’engage ici dans une impasse… Tout en invitant l’Europe à souscrire à ce premier régime d’Union fédérale, il pose en effet comme un principe absolu l’intégrité des souverainetés actuelles…L’idée avec laquelle il faut en finir est celle de cette souveraineté sans limite et sans mesure de chaque nation, à l’intérieur de ses frontières fortuites. Je dis fortuites parce qu’il n’y a pas une seule nation au monde qui vive dans un cadre ethnique, géographique, historique offrant un caractère de nécessité. L’ordre et la paix ne sont possibles entre les nations que si elles se soumettent à des lois communes…

3 commentaires:

Barthalay a dit…

Bonjour Robert Toulemon,
Vous n'avez jamais douté, non plus que moi, que Blum fût un grand esprit. Les juges du Tribunal constitutionnel allemand qui disent aujourd'hui la même chose, sont alors d'éminents juristes, doublés peut-être de fins politiques.
Bien amicalement.
Bernard Barthalay

Robert Toulemon a dit…

Bonjour Bernard Barthalay,
Merci pour votre commentaire. Je suis surpris que vous paraissiez approuver les juges de Karlsrhue qui semblent refuser un ordre supranational en l'absence d'un peuple européen qui doit en effet se contruire peu à peu.
Amitiés. RT

Anonyme a dit…

Cher Toulemon,
Je suis surpris que vous vous étonniez. D'autant que votre affirmation repose sur des suppositions gratuites. Je n'approuve ni ne désapprouve en bloc. Les juges ont raison de dire qu'on ne peut plus continuer à charger la barque sans risquer le naufrage. Ils ont raison de dire qu'il n'y a pas de peuple européen. Ils ont raison de ne pas exclure le scénario fédéral: le peuple européen ne naîtra pas d'une évolution séculaire comme un peuple national, d'autant que cette évolution aurait probablement raison, et de l'Europe et de ses nations. La naissance d'un peuple européen est un acte fédératif conscient et volontaire de nature constitutionnelle. A défaut, les peuples, qui ne reconnaissent pas le Parlement comme leur chose, se déchaîneront contre la bureaucratie de Bruxelles. Cela dit, les juges ont tort de fonder leur décision sur une doctrine éculée faisant la part trop belle à la notion formelle de souveraineté héritée des monarchies et des révolutions, plutôt que sur une analyse matérielle des risques qui pèsent sur la liberté et la sûreté des Allemands comme des autres Européens. Ils ont tort aussi de d'identifier le scénario fédéral à la constitution d'un Etat fédéral selon la seule doctrine allemande. Il faut cesser de faire (ou de défaire) l'Europe au nom du peuple sans le consulter en amont, ni l'associer à une délibération ouverte, plutôt que lui faire entériner les décisions d'aréopages sans mandat ad hoc. Ce que la Cour a tué, c'est l'illusion, dont nous avons tous été bercés, d'une Europe sui generis. Il n'y aura pas de fédération sans acte fondateur. Les solidarités de fait existent. Cela fait soixante ans qu'on les empile. Merci Monnet. Sans rupture (le saut qualitatif), elles survivront (la mondialisation s'en chargera), maissans conscience et les Européens n'auront plus ni identités propres, autres que des chauvinismes de clocher, ni la puissance collective pour influer sur le cours des choses, désormais mondialisé.
Amitiés.
Barthalay