19 mars 2009

Une bombe à retardement

Paris,19 mars. Face à une crise qui s’aggrave sans cesse, le seul remède envisagé jusqu’alors est celui de l’endettement. Ce phénomène prend des proportions gigantesques aux Etats-Unis, dont le penchant pour un endettement sans contrôle a conduit la plupart des institutions financières à la faillite. Aussi bien l’administration Obama exerce-t-elle des pressions considérables sur les Européens en vue d’une plus grande contribution de leur part au redémarrage d’une économie mondiale en état d’asphyxie. Disposant d’une monnaie encore jeune et privée de l’appui d’un budget fédéral, les Européens ne peuvent avoir la même indifférence que les Américains aux conséquences d’un endettement excessif. Même s’ils ne le reconnaîtraient pas volontiers, les Américains, sans la souhaiter, n’écartent pas l’hypothèse d’une solution à leur endettement par une inflation qu’ils espèrent, sans doute imprudemment, pouvoir garder sous contrôle. Les Chinois dont les avoirs en dollars viennent de dépasser ceux du Japon manifestent leur inquiétude.
Pour l’Europe en revanche, le recours à l’inflation ne saurait être une solution. On sait l’allergie à l’inflation que conserve l’Allemagne de son expérience historique. Face à une menace inflationniste, les tensions au sein de la zone euro deviendraient vite insupportables et destructrices. Elles représenteraient un péril redoutable pour la monnaie unique. Céder aux pressions de Washington en vue d’une augmentation massive des plans de relance européens constituerait une véritable bombe à retardement. S’ajoutant au fait que la situation de l’Europe, notamment continentale, est un peu moins préoccupante que celle des Etats-Unis (situation moins catastrophique de la plupart institutions financières, filets sociaux de sécurité), la conscience de ce danger explique l’appel à la résistance que Français et Allemands viennent de lancer.
Faut-il pour autant se résigner à la prolongation d’une crise qu’un processus cumulatif mondial ne cesse d’aggraver ? Faut-il laisser sans réponse l’appel de Washington à une relance plus forte ? N’est-il pas temps d’envisager des remèdes sans précédent à une crise sans précédent ? N’existe-t-il pas d’autres instruments que le recours à toujours plus d’endettement ? Pourquoi ne pas donner au FMI le mandat de soutenir une demande mondiale qui s’étouffe par l’octroi exceptionnel et strictement encadré d’un montant de droits de tirage spéciaux à répartir entre tous les Etats de la planète, suivant des critères intégrant à la fois la satisfaction des besoins humains fondamentaux, l’encouragement à la bonne gestion et l’adaptation de l’appareil productif aux exigences du développement durable ? Les objections à cette proposition d’une « planche à billets » mondiale sont certes considérables : risque de dérapage démagogique, difficultés de répartition, atteinte à la souveraineté des Etats. Ils sont à mettre en regard des avantages à attendre d’une mesure qui combinerait la sortie de crise par stimulation de la demande et une réponse plus rapide à une menace de changement climatique dont chaque jour confirme l’urgence et le sérieux.
Outre son principal avantage, la réduction du recours à l’endettement, la mise en œuvre d’un plan de relance conçu à l’échelle mondiale devrait faciliter la mise en cohérence des plans nationaux. L’exemple de l’industrie automobile est particulièrement éclairant. Au lieu de maintenir des productions ne correspondant plus à la demande en sauvant de la faillite des entreprises qui n’ont pas su prévoir une évolution inéluctable, les aides seraient réservées à la conception de voitures propres.

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