11 novembre 2008

La querelle des commémorations

Paris, 11 novembre. Le rapport Kaspi proposant de limiter les commémorations nationales aux 8 mai, 14 juillet et 11 novembre donne lieu à l’un de ces débats dont raffolent les médias. Une fois de plus notre pays se tourne vers son passé et ferme les yeux sur l’avenir. Mieux vaudrait s’interroger sur le sens nouveau qui pourrait être donné à des commémorations un peu moins guerrières. Vous trouverez ci-dessous un article paru sous ma signature dans la Croix du 30 avril dernier.


Européaniser les commémorations guerrières

La mort du dernier poilu, Lazare Ponticelli, immigré italien engagé volontaire, renvoyé dans l’armée italienne et devenu pacifiste au contact des réalités atroces de la guerre est l’occasion d’une réflexion sur nos commémorations des tragédies qui ont marqué le dernier siècle. Le moment n’est-il pas venu de transformer la signification de ces manifestations en les orientant davantage vers l’avenir, vers la communion des mémoires, vers la réconciliation des anciens ennemis, vers l’unité de l’Europe ?
La prochaine présidence française de l’Union européenne pourrait donner à notre pays l’occasion d’avancer deux propositions qui compenseraient, dans une certaine mesure, le signe négatif donné par l’élimination des symboles du nouveau traité européen.
L’une de ces propositions consisterait à joindre, du moins pour les pays qui, comme la France, commémorent la victoire finale de la Seconde Guerre mondiale le 8 mai, en une seule célébration l’effondrement du nazisme et l’appel de Robert Schuman ; chaque pays qui accepterait cette proposition serait alors libre de fixer cette célébration le 8 ou le 9 mai. La justification est claire : sans la chute du nazisme qui fut pour l’Allemagne autant une libération qu’une défaite, le démarrage de la construction européenne n’aurait pas été possible.
L’autre proposition serait de célébrer en novembre à la fois la réconciliation des anciens ennemis et la chute du mur de Berlin, prélude à la libération de la moitié orientale du continent. Là encore, chaque Etat serait libre du choix du jour, 9 ou 11, mais l’hommage aux victimes serait associé à la joie de la libération.
Ces deux propositions devraient faire l’objet d’un accord franco-allemand et, si possible, franco-anglais, avant d’être officialisées. Un accord des Allemands pour associer le souvenir des morts de la première guerre mondiale et la chute du mur ne se conçoit que dans le contexte d’une démarche à fort contenu européen. Les diverses associations européennes pourraient s’unir pour promouvoir cette démarche dans les deux pays, puis dans l’ensemble de l’Union européenne.
Les commentaires exprimés à l’occasion de la mort du dernier poilu et du voyage du président de la République au plateau des Glières permettent de penser que ces propositions répondent à une attente d’un large public et seraient favorablement accueillies par l’opinion, du moins en France. Elles contribueraient à rajeunir des commémorations qui risquent de perdre toute signification pour les générations à venir. Toutefois elles ne répondraient pleinement à leur objet – conforter l’image de l’Europe en l’associant au concept de paix et de réconciliation – qu’à la condition d’être adoptées par un nombre significatif d’Etats, anciens ou nouveaux membres. L’appui d’organisations européennes représentatives de la société civile serait hautement souhaitable pour vaincre l’inertie naturelle des gouvernements.



Robert Toulemon

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